samedi 3 mars 2012

citations d'amour-propre : série n° 10


Georges BERNANOS / Les Grands Cimetières sous la lune (1938) / Essais et écrits de combats I /
Bibliothèque de la Pléiade / nrf Gallimard 1971
« L’homme est né d’abord orgueilleux et l’amour-propre toujours béant est plus affamé que le ventre.
Un militaire ne se trouve-t-il pas assez payé de risques mortels par une médaille de laiton ? Chaque fois
que vous portez atteinte au prestige de la richesse, vous rehaussez d’autant le pauvre à ses propres yeux.
Sa pauvreté lui fait moins honte, il l’endure, et telle est sa folie qu’il finirait peut-être par l’aimer. Or, la
société a besoin pour sa machinerie de pauvres qui aient de l’amour-propre. L’humiliation lui en rabat un
bien plus grand nombre que la faim et de meilleure espèce, de celle qui rue aux brancards,mais tire jusqu’au
dernier souffle. Ils tirent comme leurs pareils meurent à la guerre, non tant par goût de mourir que pour
ne pas rougir devant les copains, ou encore pour embêter l’adjudant. Si vous ne les tenez pas en haleine,
talonnés par le propriétaire, l’épicier, le concierge, sous la perpétuelle menace du déshonneur attaché à la
condition de clochard, de vagabond, ils ne cesseront peut-être pas de travailler, mais ils travailleront moins,
ou ils voudront travailler à leur manière, ils ne respecteront plus les machines. Un nageur fatigué qui sent
sous lui un fond de cinq cents mètres tire sa coupe avec plus d’ardeur que s’il égratigne des orteils une
plage de sable fin. Et remarquez vous-même qu’au temps où les méthodes de l’économie libérale avaient
leur entière valeur éducative, leur pleine efficacité, avant la déplorable invention des syndicats, le véritable
ouvrier, l’ouvrier formé par vos soins, restait si profondément convaincu d’avoir à racheter chaque jour par
son travail le déshonneur de sa pauvreté que, vieux ou malade, il fuyait avec une égale horreur l’hospice ou
l’hôpital, moins par attachement à la liberté que par honte— honte de "ne pouvoir plus se suffire" comme
il disait dans son admirable langage. »
< p.373 >
Philippe BOUVARD / Maximes au minimum / Robert Laffont 1984
« Le comble de la suffisance intellectuelle est de croire qu’on peut apprendre quelque chose en s’écoutant
monologuer. »
< p.83 >
 « À partir du moment où le plaisir des autres nous fait plaisir, les bons sentiments deviennent suspects. »
< p.91 >
Philippe BOUVARD / Journal 1992-1996 / Le cherche midi éditeur 1997
« Dommage que l’admiration de soi — qui aide à vivre — ne débouche que sur le mépris des autres —
qui assombrit l’existence. »
< p.64 >
« Le besoin d’entendre affirmer par d’autres tout le bien qu’on pense de soi trahit le faible crédit qu’on
accorde à sa propre opinion. »
< p.100 >
Georges PICARD / Petit traité à l’usage de ceux qui veulent toujours avoir raison / José Corti 1999
« On sait que l’éloge à autrui est l’une des figures détournées de la vanité personnelle. Il y aurait du
ridicule à adresser des éloges à plus grand que soi, mais quelle douce autosatisfaction que de complimenter
quelqu’un du haut de notre généreuse attention. »

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